Ni beaux ni laids

Des petits pieds courent partout dans le jardin. Parfois, le couple assiste à un véritable combat de coqs. Les crêtes en l’air, c’est celui qui osera s’approprier le territoire de l’autre. Puis, au matin, les trois garnements chantent dès le lever du jour.

Les enfants explorent les sentiers, se cachent derrière les rochers et ils dévalent les massifs jusqu’à la rivière. Entre les rangées d’hortensias, ils se lancent aussi des cailloux. Attentif, le couple saisit l’étincelle doré dans la prunelle de Séraphin, observe la bouche pleine d’écume chez Conrad et il surveille le petit dernier au sourire suffisant, qui semble prendre plaisir à faire rager ses frères.

- Dans la nature, tout est possible dit l’homme. Il nous faut simplement déraciner les mauvaises herbes et les remplacer par de bons grains.

Quelques années plus tard, la femme accouche de deux belles-de-nuit, Chocolatine et Valentine. Chocolatine est blonde comme les blés, grassouillette, elle ne rêve que de baisers et de caresses. Elle est aussi friande de tous les merveilleux délices gourmands.

Quant à Valentine, sa chevelure ressemble au plumage d’un corbeau. Toute menue et en longueur, elle se tortille comme un minuscule serpent. Froide au toucher, elle se réchauffe cependant au contact de la main.

L’homme plante alors, un murier, un amandier, des lys tigrés ainsi que des clématites qu’il fixe sur des treillis.

L’arrivée de deux filles dans la maison exige une nouvelle chambrette. L’homme couvre la pièce attenante à la maison et l’isole. La femme confectionne avec soin des rideaux de dentelles tout roses, et avec le tissu qui lui reste, elle fait de jolies robes et de mignonnes poupées de chiffon.

-« Ça sent maintenant la fille », se dit la mère en souriant.