Ni beaux ni laids

Cachée dans l’ombre de la nuit, une jeune femme à l’œil de biche, à la bouche fardée d’un rouge incendie

entre dans le bar et s’installe à l’abri des regards. Enveloppée par la fumée, elle fixe la porte. Un serveur lui

apporte une bière et l’orchestre commence à jouer. Il est encore tôt pour souligner cette nuit naissante.

Dans la rue, les bruits se font plus sourds et les piétons entrent peu à peu chez eux. Vers 23 heures, la salle

devient bondée et aucune table n’est disponible. Cela sent la jeunesse qui s’éclate et qui s’amuse. Les

hommes courtisent les filles qui leur offrent en retour, leur plus beau sourire.

Dans son coin, la femme sent son corps bouger malgré elle, mais elle ne peut pas se résoudre encore à

braver cette bande joyeuse et bruyante. Soudain, la porte s’ouvre et tout s’arrête. Les yeux rivés dans les

siens, elle sent son cœur bondir dans sa poitrine. Il s’avance lentement et se dirige adroitement vers elle.

Sans un mot, il lui tend la main et elle s’élance dans ses bras. Les deux partenaires glissent sur le plancher de

danse, les corps s’unissent sur le rythme lent de la chanson : Viens me faire oublier de Dick Rivers. Plus rien

n’existe, sans un mot le couple tangue dans un corps à corps jusqu’à la fermeture du bar.

À trois heures du matin, on vient les aviser et la boîte de nuit renvoie à la rue les derniers danseurs. La jeune

femme attend. L’homme esquisse un sourire, lui effleure les lèvres d’un baiser tellement léger qu’elle croit

avoir rêvé et il s’engouffre dans l’obscurité. La jeune fille retient son souffle et ses larmes, se couvre les

épaules et s’enfuit dans la nuit.

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Artiste: Prune Violette

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